Juan Castillo

Texas Death Row News – le 25 février 2018.

« AIDER UN AMI, JUAN CASTILLO, QUI FAIT FACE A UNE NOUVELLE DATE D’EXECUTION FIXEE AU 16 MAI 2018 »

Je connais Juan Castillo depuis son arrivée dans le couloir de la mort du Texas en 2005. Nous nous sommes toujours bien entendus et je le considère comme un bon ami. Lors que je suis revenu de la maison d’arrêt du comté de Dallas à la fin de mon audience en examen de preuves, j’avais la grippe et on m’a placé dans une cellule à côté de celle de Castillo dans l’aile B. Castillo avait été transféré dans cette cellule après son séjour dans l’antichambre de la mort, suite à son sursis obtenu en décembre 2017. Lors de mon retour à l’unité Polunsky, je ne me sentais pas bien, et lorsque j’en ai parlé à Castillo, il m’a demandé si j’avais des médicaments. Je n’en avais pas. On ne m’avait pas encore rendu mes effets personnels et j’allais devoir encore attendre le lendemain à 16 heures pour récupérer mes affaires. Aussitôt, mon ami m’a proposé des médicaments : des cachets contre le rhume disponibles sans ordonnance, du sirop pour la toux et de l’ibuprofène, pour calmer la fièvre/les frissons dont je souffrais. Comme vous le savez sans doute, le virus de cette année est particulièrement virulent et je me sentais vraiment très mal à mon retour du comté de Dalla, alors,  le fait que mon ami me donne ce dont j’avais le plus besoin, des médicaments, m’a fait chaud au cœur. Grâce à ces cachets, j’ai pu calmer cette fièvre/ces frissons très désagréables dont je souffrais, et j’ai pu commencer à me sentir mieux. Castillo m’a donné ce dont j’avais besoin, sans hésiter une seconde, il me les a proposés  et m’a donné tous les cachets qu’il avait pour m’aider à me sentir mieux. Il n’était pas obligé de le faire. En fait, ici, la plupart des gens ne vous donneraient pas les médicaments qu’ils ont mis de côté en prévision du moment où ils tomberaient malades. Nous devons acheter nos médicaments à la cantine de la prison et ne pouvons le faire que deux fois par mois. C’est pour cela que lorsqu’on en achète, on se les réserve en cas de besoin. Je tenais à le faire remarquer, car Castillo est ainsi – c’est un ami qui se soucie du bien-être des autres.

Cela faisait des années que je ne m’étais pas retrouvé dans la même unité que Castillo et que l’on m’ait attribué la cellule qui jouxte la sienne nous a donné l’occasion d’aborder différents sujets, notamment sa situation juridique. Je suis au courant de son dossier depuis que j’ai fait sa connaissance et d’après ce que Castillo a partagé avec moi, il ne fait pas de doute qu’il est victime d’une injustice. Je savais qu’en fin d’année dernière, il avait reçu un sursis de la part de la Cour d’appel du Texas en matière pénale, et que son affaire avait été renvoyée au tribunal de première instance pour être réexaminée. Cela semblait bien se présenter, et nous pensions qu’au moins, il obtiendrait la possibilité, en toute équité, de faire valoir auprès du tribunal le non-respect de ses droits. S’il en a l’occasion, j’ai bon espoir qu’il obtienne le droit à un recours.

En attendant, je me remettais de cette vilaine grippe. Il m’a encore fallu deux semaines pour me sentir de nouveau plus ou moins en forme. Mais, je dois dire que le temps que j’ai passé loin du couloir de la mort du Texas a fait ressortir toute l’horreur de cet endroit. Il m’a fallu un moment pour  me remettre du choc et me réadapter aux rituels qui rythment mes journées à l’unité Polunsky. Il me faut beaucoup d’énergie et de motivation pour rester positif ici et faire ce qui doit être fait, et je n’en étais pas encore là.

Je me rends compte que les choses sont au beau fixe en ce qui concerne mon appel et, si tout se passe comme prévu, je quitterai cet endroit bientôt. Mais tout cela ne change rien au fait que je suis incarcéré depuis 20 ans pour un crime que je n’ai pas commis, et que je suis fatigué de cet état de fait, de cet endroit. En fait, la seule chose qui pourrait influer sur mon moral, ce serait de gagner ma liberté.

Alors, j’en étais là, et, même si je me sentais un peu mieux, je n’étais pas encore à 100% de ma forme habituelle.

Le vendredi 8 février 2018, j’écoutais l’émission « The Prison Show » sur la station de radio KPFT. Je les entends alors annoncer que la demande de test ADN de Castillo dans le cadre du Chapitre 64 lui a été refusée par la cour d’appel du Texas en matière pénale. Lorsque j’ai entendu ça, j’ai pensé que ces nouvelles n’étaient pas bonnes, mais je ne me disais pas pour autant que la situation était critique pour mon ami. Le lendemain, je lui ai demandé s’il les avait entendus annoncer ce refus dans l’émission Prison Show. Il m’a répondu que oui. S’en est suivie une longue discussion où il m’a expliqué la problématique de l’ADN et, d’après les informations qu’il m’a données, je sais qu’il s’agit d’un point essentiel et je suis persuadé qu’il obtiendra la possibilité d’un recours devant une cour d’un rang supérieur.

On pensait encore que cela allait pour lui, car il existait un autre point essentiel, à savoir le fait qu’il ait été condamné à cause de fausses preuves devant la cour d’appel. Alors, ce n’était pas encore la panique pour mon ami, il n’en était pas encore à se dire « Oh non, j’ai une date d’exécution ».

Lundi matin, le 12 février 2018, Castillo reçoit un  courrier juridique qui l’informe que ses deux requêtes, sur la question de l’ADN et les fausses preuves, ont été rejetées, et que le juge a également signé un nouvel arrêt de mort, suite à quoi une date d’exécution risque d’être fixée. C’est quand il m’a annoncé la nouvelle que je me suis pleinement rendu compte de la gravité de la situation.

Comme chacun le sait, j’ai obtenu un sursis à mon exécution le 27 mai 2016, et, depuis, ma situation n’a cessé de s’améliorer, au point que je ne pense plus aux dates d’exécution, non, je pense au jour où je serai libéré ! Mais, voyant ce à quoi mon ami Castillo  était confronté, j’ai tout à coup été ramené aux cinq premiers mois de 2016, alors que je me trouvais en cellule spéciale, sous surveillance 24 h sur 24, et que tous les autres amis qui s’y trouvaient avec moi étaient eux aussi confrontés à une date d’exécution. Nous avions alors tous échangé sur nos situations juridiques respectives et nous nous étions entraidés pour trouver de nouveaux moyens de nous battre pour notre vie. Si j’ai pu aider quelques hommes, j’ai été forcé de voir, impuissant,  certains de mes frères être emmenés pour être abattus au nom de l’(in)justice.

Le cas de Castillo, qui, soudain, devenait pressant, a eu pour moi l’effet d’un électrochoc et m’a sorti d’une torpeur dont je n’avais alors pas conscience. Ce sursaut a alimenté ce feu qui brûle en moi et qui avait grand besoin d’être ravivé. J’ai alors dit « Pas question ! » à ces diables qui tentent par tous les moyens de nous assassiner, moi et chacun des êtres humains du couloir de la mort du Texas. Et je me suis mis à me battre bec et ongle, une fois encore, pas seulement pour moi, mais aussi pour tous mes frères.

C’est dans cet état d’esprit que j’ai demandé à Castillo de tout me réexpliquer : l’affaire, les enjeux, la façon dont les différents avocats ont soulevé les points litigieux de son appel et je me suis mis à réfléchir à son cas comme s’il  s’agissait du mien. Que dirais-je ? Comment m’y prendrais-je pour expliquer ces questions complexes aux différents avocats et experts auxquels je m’adresserais, pour leur demander de l’aide ? Parce que c’est essentiel – vous devez être capable d’exposer la situation d’une manière concise, et convaincre qu’il y a encore de l’espoir dans votre dossier, à condition d’obtenir les services de représentants juridiques compétents ! Lorsque j’ai partagé ces conseils avec mon ami, je lui ai expliqué ce que je dirais et ce que je ferais si j’étais à sa place. Chaque fois qu’une nouvelle idée ou réflexion me venait, je continuais de les partager avec lui. Je savais que mon ami ne resterait pas longtemps près de moi – le juge avait fixé une nouvelle date d’exécution pour Castillo et d’ici quelques jours, ils l’emmèneraient de nouveau dans l’antichambre de la mort. Chaque heure comptait, car de 8 heures à 17 heures, ces diables pouvaient à tout moment surgir devant la porte de sa cellule et l’emmener ainsi en cellule spéciale avant son exécution.

Le lendemain, le mardi 13 février 2018, Castillo a reçu une visite juridique et on lui a dit qu’effectivement, sa nouvelle date d’exécution avait été fixée au 16 mai 2016. Lorsqu’il est revenu de sa visite juridique, j’avais eu encore d’autres idées et réflexions à partager avec lui et j’avais les coordonnées de personnes auxquelles je lui conseillais d’écrire pour demander une assistance juridique. J’ai également dit à Castillo que j’écrirais à des professionnels du droit avec lesquels j’étais en contact et qui pourraient l’aider et, à défaut, qui pourraient le mettre en relation avec quelqu’un qui pourrait l’assister.

Je me rappelle que dans cette cellule où j’avais été placé avant ma date d’exécution, j’avais écrit un nombre incalculable de courriers juridiques et avais envoyé des liasses de dossiers juridiques, pressant les avocats et cabinets de me venir en aide. Et cela n’avait rien donné            avant que je n’écrive à Greg Gardner, qui, lui, m’avait aidé. Ensuite, ma super héroïne d’avocate, Gretchen Sween, était devenue ma principale avocate et les choses n’ont fait que s’améliorer pour moi. Seulement, tout a commencé avec une seule lettre. Après la centaine de lettres restées sans réponse, j’avais tout à coup un retour, et c’est Greg Gardner qui est intervenu pour me sauver la vie. Je sais d’expérience à quel point il est important de ne jamais renoncer à écrire pour demander de l’aide et c’est ce que j’ai expliqué à Castillo. Je lui ai rappelé que de bien des façons, avoir une date d’exécution peut être une bonne chose, car ainsi, il s’attirera l’attention des avocats de la communauté de ceux qui s’opposent à la peine de mort, et ses chances d’être représenté par des avocats qui sortent du lot s’en trouveront améliorées.

La journée du mercredi 14 février 2018 suit son train-train, et alors que je me trouve dans la salle de jour pour mon moment de promenade, des gardiens viennent chercher Castillo. Nous savions que cela allait arriver et après seulement quelques minutes, les gardiens l’escortent pour quitter l’aile et l’emmener dans l’antichambre de la mort. Alors que Castillo quittait notre division, j’ai glissé la main à travers les barreaux et j’ai serré la main de mon ami. Je l’ai regardé dans les yeux et lui ai dit que je ferais tout ce que je pourrais pour l’aider.

Et j’ai tenu parole. J’ai rédigé des courriers au nom de Castillo, parce qu’il m’est impossible de voir un ami entre la vie et la mort et de rester les bras ballants ; je suis comme ça avec mes amis. J’ai un bon pressentiment quant au cas de Castillo. Je sais qu’il est soumis à un stress intense, alors qu’il est surveillé 24 h sur 24 en attendant son exécution. Mais je sais qu’il fera du mieux qu’il peut. Je continue de réfléchir à son dossier et chaque fois qu’il me vient à l’esprit un nouveau moyen de l’aider, j’interviens dans l’espoir de faire pencher la balance dans le bon sens dans ce combat livré pour la vie de Juan Castillo – c’est bien le moins que je puisse faire.

Charles D. Flores N°999299

Couloir de la mort du Texas

Le 25 février 2018.