Par : Charles Flores #999299, Couloir de la Mort du Texas
Février 2017
Avec l’élection de Donald J. Trump aux fonctions de Président des Etats-Unis, s’est évanoui l’espoir que nous avions placé dans l’avènement d’une Cour Suprême progressiste, grâce à la désignation d’un Juge réformiste, aux idées progressistes. Pour un prisonnier du couloir de la mort du Texas, c’est la conséquence la plus lourde de sens de l’élection présidentielle, car le sort de chacun des prisonniers condamnés à mort aux Etats-Unis s’y trouve lié.
Dans les mois qui ont précédé l’élection présidentielle, j’étais convaincu que si Hillary Clinton était élue présidente, elle nommerait sans tarder à la Cour Suprême des Etats-Unis un juge réformiste et progressiste qui représenterait l’élément essentiel au réexamen, par la Cour Suprême, de la question de la peine capitale et de son abolition, une bonne fois pour toutes. Cependant, du fait de l’échec de Mme Clinton, la meilleure chance qui se présentait à nous, en 30 ans, de voir la Peine de Mort abolie par la Cour Suprême nous a échappé pour de bon. Désormais, il nous faut faire avec la future installation par Trump à la Court Suprême d’un juge conservateur et traditionnaliste. Et c’est pour bientôt.
Le 31 janvier 2017, nous avons appris que Trump avait en effet fait son choix en nommant Neil Gorsuch pour occuper le poste vacant au sein de la Cour Suprême. On a décrit M. Gorsuch comme étant un “disciple de Scalia,” un juge qui témoigne d’une “maîtrise digne de Scalia”. Je pense donc que l’on peut dire, sans trop risquer de se tromper, que Trump a trouvé un “clone de Scalia” pour occuper le siège qui était resté vacant depuis son décès en 2016. L’essentiel à retenir, c’est que, selon moi, les Démocrates ne pourront rien pour empêcher Gorsuch d’accéder à la Cour Suprême. Parce que les Républicains disposent de la majorité au Sénat américain, ils sont en mesure d’avoir recours à “l’option nucléaire” permettant aux Républicains de modifier les règles du Sénat, supprimant le seuil des 60 voix nécessaires au Sénat pour la nomination de Gorsuch. C’est l’étape essentielle pour voir la confirmation de Gorsuch au titre de prochain Juge à la Cour Suprême des Etats-Unis. Mitch McConnell, chef de la Majorité au Sénat, a d’ores et déjà déclaré que “Gorsuch serait confirmé!” Et, de son côté, Trump a validé le recours à l’option nucléaire pour aboutir à un accord, si besoin est.
En d’autres termes, tout espoir que la Cour Suprême des Etats-Unis réexamine la question de la peine de mort et l’abolisse s’est évanoui. En un mot, c’est le retour à la normale : la grande majorité des appels des prisonniers du couloir de la mort continueront de ne pas être instruits par la Cour Suprême, ce qui revient à dire que l’appel est rejeté. Il faut garder à l’esprit que la Cour Suprême des Etats-Unis est, dans la plupart des cas, le dernier espoir en cas d’appel d’un prisonnier du couloir de la mort, avant qu’il ne soit assassiné “au nom de la justice.” Jusqu’à son décès, c’était M. Scalia qui était chargé d’instruire l’appel de tous les prisonniers du couloir de la mort du Texas avant leur exécution. Pas étonnant que tant de détenus soient exécutés au Texas!
Je pense que l’on peut dire, sans trop se tromper, que Gorsuch assumera aussi ces fonctions et que ce « clone de Scalia » instruira tous les derniers appels présentés au nom des prisonniers du Couloir de la Mort du Texas. C’est pourquoi je dis que l’installation d’un juge de droite conservateur comme M. Gorsuch à la Cour Suprême a des conséquences considérables pour tous les prisonniers du couloir de la mort d’un bout à l’autre des Etats Unis, surtout au Texas. Si Hillary Clinton avait été en mesure de désigner un juge progressiste pour siéger à la Cour Suprême, nous aurions alors pu imaginer une Abolition de la Peine Capitale partout dans le pays; cependant, cette hypothèse s’est désormais évanouie pour de bon.
Je sais ce que c’est que d’avoir un dernier appel présenté in extremis auprès de la plus haute instance des Etats-Unis, tout en vivant sous le coup d’une date d’exécution. Il y a environ un an, j’ai fait déposer une “Writ of Certiorari” (demande de révision d’une décision prononcée par une juridiction inférieure) auprès de la Cour Suprême. J’étais alors placé dans une cellule sous surveillance 24 h x 24, en attendant mon exécution prévue le 2 juin 2016. Je sais ce que cela fait que de présenter ce type de recours auprès de la plus haute juridiction du pays et de n’avoir aucune chance que cet appel soit instruit à cause de Scalia et des autres juges conservateurs de la Cour Suprême. Et je n’avais pas tort en pensant cela, parce que la Cour Suprême a refusé, sans aucun commentaire, d’instruire mon affaire.
C’est un miracle que j’aie pu obtenir un nouvel avocat pour mon appel et qu’il ait pu m’aider les 90 derniers jours de ma vie. Un appel a été déposé; cet appel remettait en cause ma condamnation au motif que l’on avait eu recours à une pseudo science (on a fait en sorte que l’unique témoin, après hypnose, fasse une fausse identification). C’est ainsi que je me suis vu accorder un sursis, grâce à une audience en examen de preuves sur ce point précis.
Cependant, qu’en est-il des condamnés du couloir de la mort privé d’un tel espoir ? Qu’en est-il des affaires où la culpabilité n’est pas remise en cause ? Que doivent-ils faire ? Auprès de quelle instance doivent-ils placer leur espoir de sursis ou de report de peine de dernière minute ? Auprès de M. Gorsuch, le juge qui vient de rejoindre la Cour Suprême américaine ? Je ne crois pas.
Le nœud du problème réside dans le fait que dans la plupart des affaires où la peine de mort a été prononcée et qui ont été présentées à la Cour Suprême au cours des 30 dernières années, le condamné n’avait pratiquement aucun espoir de voir sa requête aboutir et, avec l’arrivée de Neil Gorsuch à la Cour Suprême, il peut s’écouler encore 30 ans avant toute lueur d’espoir, avant un assouplissement de la loi ou une abolition de la peine de mort dans ce pays.
Il existe de dures réalités qu’il nous faut tenter d’accepter et comprendre. Si vous êtes un prisonnier du couloir de la mort, il est triste de constater que si votre affaire se retrouve entre les mains de la plus haute instance juridique du pays, il est probable que ce soit la fin pour vous !
Dévoué au Combat!
Charles Flores #999299
Polunsky Unit
3872 FM 350 South
Livingston TX 77351
*Antonin Gregory Scalia, né le 11 mars 1936 et mort le 13 février 2016, est un juge de la Cour suprême des États-Unis. Titulaire de cette fonction de 1986 à sa mort en 2016, il est le doyen de la Cour au moment de son décès. Il est partisan de l’école de jurisprudence américaine originaliste qui soutient que la Constitution doit être interprétée conformément à son sens originel à l’époque de son adoption.
Cette doctrine a fait de Scalia l’un des juges les plus conservateurs de la Cour.