Le couloir de la mort est immobilisé !!!

Des nouvelles du couloir de la mort – le 20 avril 2018.

LE COULOIR DE LA MORT DU TEXAS EST IMMOBILISÉ !!!

Tous les 3 mois, le couloir de la mort de l’unité Polunksy au Texas passe en mode confinement. Un confinement, c’est lorsque que tout mouvement est suspendu et que les détenus du couloir de la mort sont maintenus dans leur cellule. Les promenades sont supprimées et les prisonniers autorisés à se doucher 3 fois par semaine, le lundi, le mercredi et le vendredi. Lorsque l’unité est verrouillée, aucun repas chaud n’est servi, les hommes reçoivent chaque jour à la place 3 repas dans des sacs en papier. On peut trouver dans ces sachets une galette de viande entre deux tranches de pain, un sandwich au beurre de cacahuète et à la confiture et, avec un peu chance, une poignée de raisins secs. Pendant ce temps, les gardiens du couloir de la mort entament une fouille méticuleuse ; ils commencent d’un côté du bâtiment puis progressent vers l’autre côté, en quête d’objets considérés comme interdits. Cette fouille s’applique aussi au corps et à la cellule des prisonniers.

Pour être clair, les responsables de la sécurité de l’unité Polunsky ne donnent aux prisonniers du couloir de la mort aucun préavis ni aucun avertissement signifiant que l’unité est sur le point d’être confinée. D’un jour à l’autre, parfois d’une minute à l’autre, le directeur décide que l’unité sera confinée. Alors, chacun est immédiatement enfermé dans sa cellule et chaque détenu du couloir de la mort sait à quoi s’attendre : une fouille complète !

Etre incarcéré est l’une des expériences les plus traumatisantes que puisse subir un être humain. Lorsque vous être placé en maison d’arrêt ou en prison, votre identité propre (votre nom) vous est retirée et l’on vous attribue un numéro. Une fois, un ami m’a demandé : « que puis-je prendre avec moi si je vais en prison ?! » Sa question m’a fait rire car la réponse c’est : rien du tout, seulement ta carcasse, en tenue d’Adam ! Lorsque vous être enfermé s’enclenche ce processus systématique, fondé sur la peur, de désintégration de votre identité et de votre mode de vie passé. Parce que, pendant toute la durée de votre incarcération, vous êtes littéralement à la merci de vos geôliers. Le respect de l’intimité n’a plus cours une fois que vous êtes arrêté et jeté en prison. Pendant la phase d’enregistrement, on vous ordonne de vous déshabiller complètement pour que votre corps puisse être inspecté, afin d’y trouver d’éventuels objets interdits. Vos vêtements et vos effets personnels vous sont confisqués et on vous donne en échange des vêtements de l’Etat et un numéro d’identification. Si vous refusez cet ordre, les geôliers vont de toute façon vous déshabiller de force, il n’y a donc aucun espoir d’échapper à cette forme extrême de violation de votre intimité.

L’une des pires violations des droits de l’homme que doivent endurer les détenus du couloir de la mort du Texas, c’est la violation de leur intimité. Le confinement et la fouille scrupuleuse qui l’accompagne constituent la forme de violation de cette intimité la plus extrême. Nous savons qu’à un moment donné, les gardiens viendront nous fouiller et ce sentiment de danger imminent a un effet terrorisant sur nous tous – ledit effet étant précisément recherché. Je sais personnellement que l’on me forcera à me déshabiller et qu’ensuite mon corps sera examiné pour y déceler d’éventuels objets interdits. Je serai menotté, les mains derrière le dos, puis on me fera sortir de ma cellule vêtu de mon seul caleçon et d’une paire de chaussures de douche en plastique. Je devrai laisser derrière moi dans ma cellule tout le reste, tout ce qui constitue mon petit univers, pendant que je resterai enfermé dans une cabine de douche de l’autre côté du bloc et qu’un nombre inconnu de diables non identifiés pénétreront dans ma cellule et se mettront à retourner tout ce que je possède. Maintenant, imaginez ce qui se pourrait se passer si l’un de ces diables m’en voulait personnellement !

Pour moi, c’est la forme de violation de mon intimité la plus difficile à vivre ici. Chaque fois que je me fais fouiller, je perds quelque chose. Cela peut être un vieux magazine ou des timbres pour une valeur de 100$ (car les diables vous volent vos affaires !). Je sais, tout simplement, que je perdrai quelque chose chaque fois que je suis contraint de subir cette violation. Si cela se produit, c’est parce que les gardiens reçoivent l’instruction de leurs responsables de veiller à prendre quelque chose à chaque personne fouillée, en application de la tactique de la terreur.

La menace de la perte d’un objet, chaque fois que ces diables s’introduisent dans mon espace personnel, génère de l’anxiété, pour ne pas dire plus. Et qu’est-ce que l’anxiété, sinon la peur de l’inconnu ?! Comment un groupe d’environ 200 gardiens pourrait-il contrôler une masse de plus de 2000 détenus dans l’unité Polunsky, sinon par le recours à la politique de la peur et à la stratégie de la terreur ?

Donc, tout ceci est délibéré et constitue une tactique de manipulation et d’intimidation, dont le but est de maintenir un climat de peur, de sorte que jamais personne n’imagine se constituer en groupe pour amener quelque changement positif que ce soit dans ce camp de la mort d’un nouvel âge. Et nous devons faire face à cette épreuve tous les 3 mois…

Le mercredi 18 avril 2018, les gardiens du premier service sont arrivés à 5 heures 30 et au lieu d’organiser les promenades pour la journée, ils se sont contentés de passer dans les couloirs pour un contrôle de sécurité. Dès ce moment, j’ai su que nous étions confinés et qu’il y avait de grandes chances que ce confinement dure longtemps car cette fois, il était prévu que les détenus de la population générale subissent une fouille méthodique, eux aussi.

La population générale se fait fouiller deux fois par an, ce qui fait environ 2000 prisonniers de plus qui se retrouvent immobilisés. On peut donc dire sans grand risque de se tromper que nous serons confinés pendant 3 semaines.

Je pensais donc à tout ça lorsque je me suis levé, que je me suis fait une tasse de café et que j’ai continué à analyser la situation tout en écoutant les infos du matin à mon poste de radio.

La grande inconnue sur ce point, c’est le fait que les détenus du couloir de la mort du Texas ignorent à quel endroit les gardiens commenceront la fouille. Tout à coup, les gardiens se présentent sur un bloc et informent les gars, qui ont 15 minutes pour se préparer. C’est la roulette russe. Qui sait à quel numéro la boule va s’arrêter ? Et il vaut mieux commencer à se préparer juste au cas où ces diables se présentent sur votre bloc pour vous annoncer que dans 15 minutes, il s’agit d’être prêts !

A 8 heures, le gardien en poste dans le bloc est allé dans la section qui jouxte la mienne et il a hurlé : « Section E ! Levez-vous et préparez-vous pour la fouille ! La fouille commencera dans 15 minutes ! Levez-vous et préparez-vous ! » Mon première pensée fut : « Oooooh, M@&#E! ». Puis, je me suis dit : « il me reste 2 ou 3 heures avant qu’ils se soient là pour me fouiller ! » Et je me suis mis au travail immédiatement.

J’avais déjà réfléchi à ce qu’il me fallait faire pour me préparer à la fouille, et suis resté concentré là-dessus. J’ai bien vérifié que mon nom et que mon numéro étaient inscrits sur tous mes nouveaux livres, mes timbres, mes enveloppes et mes photos. Puis, j’ai commencé à jeter tout ce qui ne m’était pas absolument indispensable. J’avais quelques vieux magazines et journaux à jeter. Tous mes biens personnels (livres, photos, nourriture etc.) doivent tenir dans la caisse de 60 sur 120 cm qu’ils mettront dans ma cellule pour que j’y case toutes mes affaires.

Pendant ce temps, ils se sont finalement rendus à la section F pour commencer la fouille. Environ 15 minutes plus tard, le gardien a hurlé qu’ils arrivaient, que l’équipe chargée de la fouille se tenait dans l’espace praticable autour du piquet de contrôle et 10 minutes plus tard, ils sont allés dans la section F. Prêts ou pas, les voilà !

Pendant ce temps, tous les gars qui dormaient encore dans ma section se sont tout à coup réveillés  et se sont demandés ce qu’il se passait ! Croyez-moi, cela n’a rien de drôle de se réveiller avec la nouvelle d’une fouille imminente, sachant que l’on n’a pas eu le temps de se préparer. Nous avons rapidement expliqué aux gars ce qui se passait et leur avons dit de se préparer ! Les voilà !

Quatre heures plus tard, j’étais prêt. J’avais entassé mes affaires dans cette fichue boîte et ces diables avaient obtenu de moi toute la bonne volonté que j’étais disposé à leur accorder. Je suis resté allongé sur la couchette de métal froid et j’ai attendu leur venue. Ce qui sera volé sera volé, je n’y pourrai rien. Ce fut un moment pesant et chargé de stress pour nous, chacun ressentait au minimum de l’anxiété, voire de la peur. Quant à moi, je n’apprécie pas tout type de situation créée volontairement dans le seul but de me terroriser pour me mater. Mais, j’ai pris une grande bouffée d’air et me suis répété que le bon point, c’est que tout ça serait terminé d’ici quelques heures. Dans quelques heures, ces diables seraient partis. Apparemment, les choses ne traînaient pas, donc je m’en sortirai sans problème. Je me suis rappelé encore de rester concentré sur la récompense, soit la liberté ! Et de ne rien laisser me distraire dans mes efforts destinés à atteindre ce but ultime.

A 13 heures 30, l’équipe chargée de la fouille était à ma section. On m’a demandé de me déshabiller et de tendre mon caleçon et mes chaussures de douche pour le contrôle, puis de les remettre. Après m’avoir menotté, ils ont ouvert la porte de ma cellule. Je suis sorti et le responsable de ces diables a passé un détecteur à métaux portatif sur le devant de mon corps et le long de mon dos, et même sur la plante de mes pieds. Alors, seulement, on m’a fait sortir de la section avec les autres gars de la 2ème rangée, là où se trouve ma cellule. On m’a mis dans une cabine de douche dans la section suivante et on m’y a laissé pendant 45 minutes, le temps qu’ils fouillent toutes nos cellules.

Puis, les gardiens sont revenus, m’ont sorti de la douche et m’ont escorté jusqu’à ma cellule.

Une fois là-bas, j’ai vu toutes mes affaires entassées par terre, au milieu de ma cellule. Pendant qu’ils m’ôtaient les menottes des poignets, j’ai gardé le regard rivé sur le monticule de mes effets personnels, j’ai continué à inspirer l’air profondément et me suis répété : « ce qui est bien, c’est que c’est terminé ! »

J’avais survécu à une énième fouille et j’en ressentis un profond soulagement. Il faut toujours voir le verre à moitié plein dans la vie, du moins, c’est ce que je fais !

Charles D. Flores N° 999299

Couloir de la Mort du Texas

Le 20 avril 2018.