Le jeudi 30 janvier et le vendredi 31 janvier 2020, durant respectivement 4 et 5 heures, je rencontre Charles au parloir des condamnés à mort de la prison de Polunski. C’est toujours avec appréhension que je m’approche de cette prison du Texas.
Je me présente quelques minutes avant l’ouverture des portes afin d’éviter une trop longue attente. Une panne informatique retarde la transmission de l’information : le N°999299 —qui n’est autre que Charles— doit donc attendre une heure et demie avant de rejoindre le parloir. Ce contretemps me permet de rencontrer son amie Linda, ainsi qu’un moine bouddhiste et ancien GI qui connaît bien Charles, et une femme belge qui a traversé l’Atlantique pour rencontrer quatre autres prisonniers. Un microcosme de gens fidèles. Ils sont peu nombreux à faire la démarche, dans la mesure où beaucoup de condamnés n’ont ni famille ni amis. Je suis surpris de voir que ma visite était attendue et je réalise alors à quel point chaque petite initiative compte.
Charles se présente enfin, accompagné de deux gardiens. Nous sommes heureux de nous revoir. Il est souriant, détendu. Nous décrochons aussitôt les téléphones et pendant les quatre heures qui nous sont accordées, notre dialogue ne s’interrompra plus.
D’emblée, Charles m’annonce la très bonne nouvelle : la CCA (Criminal Court of Appeal) a décidé de visionner la vidéo, prise il y a dix-huit ans, à l’occasion de la déposition de l’unique témoin du procès de Charles. Or ce témoignage, recueilli sous hypnose et dans des conditions douteuses, est un élément clé de l’accusation. La vidéo est pour le moins troublante et il est totalement irréel de penser que la condamnation à mort de Charles est basée essentiellement sur ce témoignage.
La CCA, cour d’appel du Texas chargée des affaires criminelles, est la plus haute juridiction du Texas. Elle est composée de neuf juges (comme la cour suprême des USA). Si la CCA a pris cette décision c’est qu’un au moins des neuf juges a de sérieux doutes sur le déroulement de l’enquête. Espérons désormais qu’au moins quatre autres juges feront basculer la majorité en faveur de Charles.
Si cette majorité n’est pas atteinte, il faudra alors faire appel au niveau fédéral; la procédure sera de nouveau très longue et l’incertitude totale. Mais si la majorité se dégage et que la décision est favorable, les compteurs seront remis à zéro et un nouveau procès sera programmé. À moins que les avocats de Charles et le procureur s’accordent sur un « règlement à l’amiable » afin d’éviter le procès. C’est ce que la justice américaine appelle un « settlement ». Ce serait la meilleure chose, car un nouveau procès, positif en soi, prendrait plusieurs années et laisserait peut d’espoir d’une libération rapide. Il serait dans l’intérêt de tous de tourner la page via un règlement à l’amiable.
Le dossier est désormais solide : Charles prépare ce rendez-vous depuis 18 ans avec méthode et a de très bons avocats. Ses chances sont donc grandes de faire éclater la vérité.
Malheureusement aucune date n’est fixée et nous savons que la justice est lente.
Nous avons ensuite parlé de nos vies respectives, de nos amis, de la mort de sa mère et du long deuil qui a suivi, de ses conditions de détention, de nos familles, même si la sienne est désormais inexistante. Depuis la mort de ses parents, Charles n’a reçu aucune visite de ses demi-frères et sœurs. Mais Charles sait qu’il peut compter sur ses amis et en particulier sur ses fidèles en France. Il me redit que sans le soutien de l’ACAT, de tous ses amis, ainsi que de ses avocats —dont Gretchen, son soutien indéfectible—, il lui aurait été impossible de garder la tête haute face à ces épreuves inhumaines.
La force de caractère de Charles force l’admiration ; j’ai du mal à croire qu’en face de moi, se tient un condamné à mort, en prison depuis 18 ans, qui sourit et qui rit des choses de la vie. Il me raconte son quotidien, un vrai cauchemar, mais il arrive à positiver. Il parle de sa sortie de prison et de son envie d’aller vivre en Californie.
Nous nous quittons avec un petit espoir de nous revoir, idéalement hors de ces murs… sinon rendez-vous est pris dans un an.
Laurent Bachelot.
What a lovely visit you ha Charles. I know a couple of the ACAT folks in Thonon and know they have done a lot to send you aide….
I trust that you are « safe » from this virus. I would hate to think of it getting into your life there…as it would travel fast I imagine. I was suppose to go to France this Fri. but am not flying of course.