Nouvelles du couloir de la mort du Texas, 29 Juin 2019

NOUVELLES DU COULOIR DE LA MORT DU TEXAS  29 Juin 2019

“Etre profondément aimé par quelqu’un vous donne de la force tandis qu’aimer quelqu’un vous donne du courage.” -—Lao Tzu.

Le 11 janvier 2016, alors que j’étais assis dans ma cellule du couloir de la mort du Texas, j’ai reçu un courrier de mon ancien avocat en appel, m’informant que l’Etat du Texas était parvenu à faire fixer une date d’exécution correspondant à cet acte de vengeance, à savoir mon assassinant, autorisé par la loi. La date à laquelle j’étais censé mourir au nom de l’(in)justice était fixée au 2 juin 2016. Deux heures après que j’ai reçu cette lettre est apparue une escorte devant ma cellule, pour m’informer que le commandant souhaitait me voir dans son bureau. Quand j’ai demandé à l’agent correctionnel de quoi il s’agissait, il m’a répondu : “mon gars, ils t’ont fixé une date d’exécution.”

Je suis allé au bureau du commandant et après avoir été officiellement informé qu’il était prévu que je meure le 2 juin 2016, j’ai été escorté par les deux mêmes agents correctionnels jusqu’à ma nouvelle cellule et placé sous surveillance 24h sur 24. Je devais vivre dans cette cellule pendant les cinq prochains mois avec une caméra en circuit fermé de sorte que ces diables puissent surveiller mes faits et gestes et s’assurer que je reste en bonne santé et en un seul morceau [que je ne mette pas fin à mes jours] jusqu’au 2 juin 2016, pour qu’ils puissent m’assassiner. Environ deux mois après mon transfert dans l’antichambre de la mort, une responsable du “Texas board of pardons and parole » (conseil examinant les demandes de grâce et de liberté conditionnelle), que j’appellerai Mme Smith, est venue m’interroger au sujet d’une demande de clémence. Je m’apprêtais à passer les quatre heures qui suivirent avec Mme Smith, dame qui m’a beaucoup impressionnée de part sa personnalité et son désir sincère de me venir en aide. J’ai été touché par son investissement plein et entier dans la préparation du rapport qui allait finalement arriver sur le bureau du gouverneur du Texas. C’est le gouverneur qui déciderait en effet s’il fallait m’accorder la clémence, et donc commuer ma peine de mort en peine de prison à vie.

Je souris lorsque je repense à cette entrevue, parce que l’on ne sait jamais d’où viendront bienveillance et compassion, d’où viendra la main tendue qui vous guidera lors de cette passe particulièrement périlleuse de votre vie. Mme Smith m’informé d’une chose, c’est que je pouvais écrire une lettre au “Texas board of pardons and parole” et que chaque membre de ce conseil la lirait. Ainsi, j’ai pu exprimer avec mes mots à moi à quel point j’avais l’impression d’avoir “évolué” dans le couloir de la mort du Texas. Jusqu’alors, je n’avais jamais pensé ne serait-ce qu’une seconde participer à une telle farce. Personne au Texas ne se voit jamais accorder la clémence, mais la gentillesse et la sollicitude que je percevais chez Mme Smith m’ont donné envie de participer. Ainsi, pour la première fois, j’ai sérieusement réfléchi à la question de mon évolution lors de mon séjour dans le couloir de la mort du Texas.

Je suis né dans une famille chrétienne. Mon père était “Ancien” au sein de l’Eglise de Jésus Christ et avait été ordonné ministre du culte. Papa était aussi Vétéran de l’Air Force. Il était fier d’être américain et aimait beaucoup son pays. Lui et ma mère étaient propriétaires et gérants d’une petite entreprise de réparation de toitures et de rénovation de bâtiments. Je tiens de mes parents le code de conduite professionnel que j’applique aujourd’hui, alors que je m’évertue sans relâche à gagner ma liberté, car tous deux étaient des Américains d’origine mexicaine travailleurs. Ce n’était pas des hors-la-loi, des rebelles ou des criminels. C’était tout le contraire. C’était des citoyens durs à la tâche, soucieux du respect de la loi, et qui ont obtenu tout ce qu’ils ont eu à la sueur de leur front.

Au fur et à mesure qu’ont défilé les années dans le couloir, cinq, dix, quinze ans, alors que je suis allé au fond du fond pour effectuer le travail que j’avais besoin de réaliser sur moi-même, j’ai mûri, j’ai pris conscience du fait que je m’étais très largement éloigné des valeurs que mes parents m’avaient enseignées, de l’honneur et de l’intégrité qu’ils m’avaient inculqués, enfant. C’est l’une des choses que j’ai le plus regrettées, parce que je savais ce qu’il fallait faire, je m’étais tout simplement égaré. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai entamé ma transformation dans le couloir de la mort du Texas ; c’est ainsi que je suis finalement devenu un homme qui, dès le réveil, s’applique à œuvrer pour le bien. Parce que c’est ce que mes parents m’avaient appris et qu’il était grand temps que je commence à mener mon existence selon ces principes et que, ce faisant, je devienne l’homme que j’étais destiné être. Une bonne personne, quelqu’un dont mes parents auraient été fiers et qui n’aurait plus jamais sali leur nom. Alors, je me suis assis et j’ai rédigé cette lettre destinée au “Texas board of pardons and parole” et je leur ai dit que j’avais changé et que l’une des raisons de ce changement, c’était l’honneur et l’intégrité que mes parents m’avaient enseigné lors de mes jeunes années. Chaque mot couché sur le papier de cette lettre destinée au conseil était pure vérité et venait du cœur. Une fois mon courrier terminé, je l’ai remis à Mme Smith pour qu’il soit ajouté à mon dossier. Finalement, Dieu merci, je n’ai pas eu à compter sur une clémence qui n’est jamais venue. On m’a accordé un sursis, ma situation juridique a connu un complet revirement et tout à coup, tout s’est illuminé dans ma vie… Enfin, pas tant que ça : mon père est décédé le 19 mai 2016, soit deux semaines avant ma date d’exécution. Puis ma mère s’est éteinte le 28 février 2019. Pendant quelque temps, j’ai eu l’impression de dériver alors que je faisais le deuil de mes parents. Je remercie Dieu pour l’immense amour que m’ont témoigné tous mes amis. Je ne pourrai pas continuer seul et sans amour. C’est leur amour qui me donne la force de continuer et d’encaisser tous les coups que m’inflige ce parcours qu’on appelle la vie, de poursuivre mon combat pour la vie, la justice et la liberté. C’est cet incroyable cercle d’amis qui m’entourent qui m’aide à rester debout. Or, il y a peu, j’ai vraiment pris conscience de quelque chose me concernant. C’est que je ne veux surtout pas décevoir mes amis. Parce que quand on aime quelqu’un, ce que cette personne pense de soi est très important. Et son avis nous fera nous creuser les méninges, et même tenter de parvenir à des choses que l’on aurait crues impossibles auparavant. Parce que l’affection que l’on a pour elle nous donne du courage et par-là même, on prend conscience de ce qui compte vraiment.

Il y a peu de temps, une amie à laquelle je tiens beaucoup m’a fait vivre ce genre de situation. J’ai émis un avis sur un sujet donné et la réponse de mon amie, c’est qu’elle pouvait accepter mon opinion mais que, clairement, elle était très déçue de moi ! Laissez-moi vous dire que dès l’instant où je me suis rendu compte que je la décevais et que je ne donnais pas le meilleur de moi-même, j’ai rapidement réévalué la situation, j’ai vu l’erreur dans mes façons de faire et mes opinions, et j’ai exprimé avec vérité que je n’étais pas sûre de pouvoir faire ce dont elle me croyait capable mais que j’essaierai ! Parce que je ne pourrai pas vivre tout en sachant qu’elle m’estimerait moins. Depuis que c’est arrivé, j’ai beaucoup réfléchi à la situation et je me suis rendu compte que mes amis proches étaient devenus ma tribu désormais et qu’ils étaient la famille que je m’étais trouvée, maintenant que mes parents étaient partis, et j’en suis reconnaissant. Je suis reconnaissant du fait que l’Univers m’ait donné des amis si merveilleux dans la vie, qui m’aident à grandir et à être la meilleure version de moi-même que je puisse être. Et par là-même à faire la fierté de mes parents, alors que j’évolue pour devenir à 100% l’être humain que j’étais destiné être à la naissance !

AMOUR, PAIX, ESPOIR & RIRES AUSSI !