NOUVELLES DU COULOIR DE LA MORT DU TEXAS ——– 30 MARS 2019.
« Au final, notre vie ne sera pas évaluée à l’aune de ce que l’on possède.
Elle le sera au regard des fruits qu’elle aura portés et de la façon dont elle aura été vécue.
Elle le sera au regard de la nature de l’amour que l’on possède véritablement. »
-—Dr. Bornel West.
Avez-vous déjà remarqué comme il est facile de se laisser dominer par un point de vue pessimiste en voyant constamment le verre “à moitié vide », jour après jour ? Comme on se laisse engluer, si l’on n’y prend pas garde, dans une vision de la vie négative et cynique ? J’ai connu ça et laissez-moi vous dire que lorsque l’on vit dans le couloir de la mort du Texas, il est mille fois plus « facile » de vivre ainsi.
Je repense à l’année 1999, lorsque j’ai été condamné à mort. Je songe à cette énergie négative – c’est l’une des premières choses dont j’ai été conscient, et aussitôt, j’ai su qu’il était essentiel pour quiconque gardant l’espoir de survive à cette expérience de ne pas se laisser consumer par elle.
Je suis incapable d’expliquer comment j’ai pu m’en rendre compte lors de mon arrivée dans ce camp de la mort, mais je savais que c’était là une vérité absolue, et cette vérité s’applique encore à ce jour.
L’année qui s’est écoulée aura été particulièrement difficile pour moi. L’Univers m’a mis à rude épreuve, et le dernier obstacle qu’il m’ait été demandé de surmonter – et le plus grand aussi – à savoir le décès de ma maman, a été sévère, pour ne pas dire plus. Alors que je suis assis dans ma cellule aujourd’hui et que je fais le bilan de la situation, voilà, en quelques mots, où j’en suis : je suis la victime d’une injustice, j’ai été envoyé dans le couloir de la mort du Texas pour un crime que je n’ai pas commis. Je suis aussi orphelin, alors que je viens de perdre ma mère en février 2019, et auparavant mon père, en 2016. Et je reste confronté à l’inconnu de la tournure que prendra mon dossier, toujours entre les mains de la cour d’appel.
Il est une chose dont je me suis rendu compte en faisant face à cette adversité, c’est que si l’on n’est pas vigilant, ce que l’on a perdu dans la vie peut vous définir. Cette perte peut vous consumer et cette énergie négative et mortifère peut aspirer tout élan vital. Ne mettez pas en doute mes paroles lorsque je vous dis que je sais de quoi je parle à ce sujet. Lorsque vous restez bloqué en mode « pause » sur tout ce que vous avez perdu, c’est comme si votre cerveau avait été programmé pour repasser en boucle tout se qui s’est évanoui. En d’autres mots, chaque fois que vous entendez telle ou telle chanson, ou lorsqu’une pensée vous amène à telle idée qui elle-même vous entraîne vers telle autre, laquelle vous fait vous souvenir de votre grande perte, et qu’alors le désespoir s’insinue, c’est dévastateur. C’est l’une des façons dont certains hommes perdent la raison, quand ils vivent la mise à l’isolement, c’est l’une des raisons qui expliquent que certains soient amenés à s’ôter la vie, pour tenter d’échapper à ce terrible cercle vicieux qui s’enclenche quand on reste obsédé par tout ce que l’on a perdu et que cette perte nous définit. Maintenant que j’ai appris cette leçon vitale, je sais qu’il est bien plus sain et positif pour moi de me concentrer sur ce que j’ai et, si j’ai bien quelque chose dans la vie, c’est l’amour. Au cours du mois qui vient de s’écouler, tant d’amis et de soutiens m’ont adressé de douces pensées, des mots de compassion pour m’exprimer leurs condoléances suite à la perte de ma mère. Or, cet amour extraordinaire m’a permis de tenir lors de cette période de ma vie des plus difficiles.
Je suis plein de gratitude et suis immensément reconnaissant pour toute l’affection, tout le soutien que chacun m’a témoigné. Je suis incroyablement riche en amour et j’espère que cela transparaît ! Parce que cet amour est ce qui me permet de rester celui que je suis, de garder ma joie de vivre, ma capacité à rire et à aimer, et je n’y parviendrai pas sans amour.
Ce qui m’amène à cette belle citation en exergue de ce billet. Finalement, au moment du grand passage de cette existence à la vie d’après, nous ne serons pas évalués au regard du montant de notre compte en banque, du modèle de notre voiture, ou des marques sur les étiquettes de nos vêtements. Ces choses sont bien belles, mais ne sont en aucun cas “l’étalon” qui prévaudra. Notre existence sera évaluée en fonction de ce que l’on aura produit, de la manière dont on aura vécu. Car, avant toute chose, elle sera considérée au regard de la nature de l’amour que nous possédons sans conteste, car c’est là ce qui importe vraiment.
Je pense à tout ceci alors que je vis ma vie dans le couloir de la mort du Texas, depuis vingt-et-un an maintenant. Je me suis bien souvent égaré dans ma vie. Je me reproche quantité d’erreurs, et parfois, je dois lutter pour ne pas me laisser gagner par le désespoir à cette pensée. Seulement, s’il y a bien une chose à dire, c’est que je suis vraiment gâté par l’extraordinaire quantité d’amour que je reçois dans ma vie. Je suis peut-être un homme innocent dans le couloir de la mort du Texas mais je suis riche du point de vue de l’amour. Je suis peut-être un orphelin qui a perdu ses deux parents, mais je ne suis pas abandonné car je suis riche en amour.
Je suis peut-être confronté à l’inconnu quand je pense à mes procédures en appel, ce qui peut faire peur, mais je suis riche en amour ! Et, au final, c’est bien tout ce qui compte. Seul l’amour nous libère et nous aidera à réussir la vie qu’il nous reste à vivre. Et pour cela, je remercie tous mes amis et tous les membres de ma famille qui pensent à moi. Car je ne suis rien sans votre amour, votre compassion et votre soutien. Je n’aurais pas pu continuer mon combat pour la vie et la liberté sans vous. Je n’aurais pas pu non plus survivre à cette dernière perte que j’ai vécue sans vous à mes côtés et de cela et de tout le reste, je suis reconnaissant à jamais et sachez que je vous aime aussi !
AMOUR, PAIX, ESPOIR & RIRES AUSSI !
Charles D. Flores N° 999299